Souvent, j'entends dire de ma profession que nous sommes "inutiles", "trop chers", de vrais "charlatans" tout juste capables de "piquer le fric des gens"…
Une cliente m’a écrit un mail pour me faire part de son avis sur ce sujet.
Tout d’abord, je la remercie de venir régulièrement me lire. Je la remercie également de m’avoir fait partager son point de vue de la profession de comportementaliste et aussi de la finalité des entretiens que nous avons eu.
Voici son texte (publié avec son accord) :
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"Toute ma vie j’ai eu des chiens. Je n’ai jamais vécu sans leur présence. Des grands des petits des moyens : j’ai eu de tout ! Les chiens ont toujours été ma passion ! En terme de chiens, j’ai tout fait, tout vu. Bref, il ne pouvait rien m’arriver que je ne puisse comprendre, aucune ombre au tableau n’aurait pu me laisser sans réponse.
J’ai acheté Mélasse à un éleveur. Il est issu d’une famille très demandée dans le milieu. Bref une grande fierté de le ramener à la maison ! 2 ans d’attente quand même !
Au bout de quelques semaines… qu’est-ce que je dis : de quelques jours ! Il a commencé à être destructeur. On m’a dit que ça allait passer.
Il était malpropre. On m’a dit qu’une éducation ferme allait arranger les choses.
Il était pleureur. On m’a dit qu’en grandissant ça allait aller mieux.
Il était très peureux. On m’a dit de le confronter à ses peurs.
Il était coprophage*. On m’a dit que c’était un problème médical à soigner de toute urgence.
Il était agressif avec les enfants. On m’a dit de le corriger pour qu’il comprenne.
J’ai beaucoup demandé de conseils sur les forums, j’ai eu beaucoup d’avis différents. Je suis allée voir mon véto qui lui a prescrit un traitement médical à suivre. J’ai aussi contacté un éducateur comportementaliste canin pour venir enfin à bout des comportements de Mélasse.
Verdict :
Mélasse était à shooter de médicaments et à éduquer avec fermeté.
Plutôt sympa ! Pas grand-chose à faire au final !
Hélas, cela n’a pas arrangé mes affaires et, plusieurs boîtes de médocs et une dizaine de cours d'éducation après, les comportements désastreux de mon chien se sont amplifiés jusqu’à devenir insupportables.
J’ai contacté un second éducateur comportementaliste conseillé par mon vétérinaire qui lui a fait faire toutes sortes d’exercices de « couché » « assis » « au pied ». Il a aussi fait en sorte de le punir systématiquement à chaque grognement en le soumettant. Mais Mélasse grognait de plus en plus. L’éducateur a dit qu’il était dominant et que je devais lui montrer que c’était moi la chef de meute mais qu’en tant que femme, il me dominait encore plus parce que j’étais une femelle (donc une inférieure).
Pendant des jours voire des semaines, j’ai suivi ses cours et mis en pratique tout ce qu’il m’a conseillé. Mais ça n’a rien donné de bon, Mélasse était encore pire qu’avant… Je ne pouvais même plus profiter des bons moments avec lui tellement j’étais obsédée par le fait qu’il veuille me dominer en permanence.
Le jour où il a mordu à sang mon ami et qu’on m’a dit qu’une fois qu’un chien goûte au sang, c’est fini on ne peut plus l’arrêter, j’ai décidé de m’en séparer.
A cette période, j’avoue ne jamais avoir eu l’idée qu’un comportementaliste puisse me venir en aide. Cela n’était finalement du qu’à ma méconnaissance du métier et de mes mauvaises expériences mais j’étais plus que déçue par les professionnels que j’avais vus, ils avaient tout gâché à ma relation avec mon chien !
A qui la faute ? A moi bien sûr ! En me laissant embobiner par des gens qui n’y connaissent strictement rien (ces gens veulent faire croire que les formations et les études ça ne sert à rien pour devenir un pro du comportement !) et des professionnels qui n’en sont pas, je me suis moi-même fourrée dans cette situation. Alors quand on m’a conseillée de faire appel à un comportementaliste, je me suis dit « quoi encore un ?! ». Je n’avais pas percuté qu’éducateur comportementaliste n’avait rien à voir avec comportementaliste. C’est bien après que je l’ai compris… et puis aller sur les sites des pro m’a beaucoup aidée au final : une des deux personnes que j’avais vues n’en avait pas !! L’autre en avait un mais ne mentionne nulle part sa formation (bah tiens). Le vôtre [ndlr : le mien] est clair au niveau des méthodes, de votre philosophie, de vos tarifs, de vos connaissances…
Mais bon, je vais trop vite ! Avant de vous voir, je n’avais pas confiance, je n’avais pas envie, je ne voyais pas ce qu’une comportementaliste allait pouvoir m’apprendre ! C’est vraiment à contre cœur que je vous voyais, sur conseils d’une personne sur un forum qui a eu affaire à vous avec son chien.
J’étais pleine de préjugés, en plus j’avais entendu parler des comportementalistes et franchement… ben je n’avais pas envie de vous voir ! Ces espèces de charlatans qui prennent trop cher ! Et puis qu’est-ce que vous pourriez bien faire ? Mon chien est foutu, plus rien ne peut changer les choses. Et puis quoi, vous allez arriver, savoir mieux que moi comment est mon chien (je suis quand même celle qui le connaît le mieux) et régler mon problème comme ça ?!
A qui la faute j’ai demandé tout à l’heure ? J’ai oublié : aux pro ! (parce qu'on m'a excessivement mal conseillée) Et aux charlatans !! Aux comportementalistes qui n’en sont pas mais qui se prônent l’être (comme si, au final, le comportement du chien c’était pas si compliqué !). Il y a aussi les comportementalistes médiatisés qui laissent entrevoir une vision du métier ridicule. Sorte de donneurs de leçons irrespectueux vis-à-vis de l’animal et du maître. Je pense à la lamentable émission de M6 « au secours mon chien fait la loi » où l’on peut voir une minable se la péter vêtue de cuir et nous prendre pour des cons (c’est le cas de le dire) en nous faisant gober qu’en deux jours un chien peut se métamorphoser intégralement à coup de « tais-toi ! » ou « stop ! ». Tout simplement pathétique et mythomane !
Aujourd’hui mon idée du comportement canin et des comportementalistes a bien changé et mes connaissances en matière de chiens ont largement évolué ! Si je n’avais pas eu ces préjugés, cette méconnaissance de la (vraie) psychologie canine, j'aurais très certainement tenté de réagir dès l'apparition des premiers symptômes. Je n’aurais pas laissé ma relation avec Mélasse se détériorer ainsi.
Tout est maintenant rentré dans l'ordre mais rien ne sera jamais plus comme avant pour Mélasse, je sens qu’une angoisse persistante demeure encore au fond de lui. Les cours d'éducation l'ont bousillé. Si seulement j'avais su !!! Si seulement cette profession méconnue, ignorée voire dénigrée, avait été plus médiatisée, plus recommandée... Si seulement les bons professionnels étaient plus connus et les mauvais, les imposteurs, les escrocs pouvaient se garder de pourrir certaines familles !!!
Merci encore à vous Victoria de vous être déplacée et de m’avoir écoutée et conseillée malgré toute la mauvaise volonté dont j’ai fait preuve à votre encontre (j'avoue, j'ai pas été très ouverte au début et on vous a mis quelques bâtons dans les roues). Merci de ne pas m’avoir jugée et de m’avoir ouvert les yeux. Sincèrement, je ne pensais pas tomber un jour sur quelqu’un comme vous, vous avez carrément changé notre vie ! Je ne sais pas ce que j’aurais fait autrement. Je suis vraiment heureuse de vous avoir rencontrée. Merci mille fois !
Mélasse vous léchouille et nous on vous embrasse.
La famille Dubois
&
sa grosse Mélasse"
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Quand je reçois ce genre de courriel, je ne peux m'empêcher d'être à la fois soulagée de savoir que la situation s'est arrangée mais également triste d'imaginer par quoi la famille et le chien sont passés. Tous ces traumatismes, ce stress, ces tensions, ces douleurs (et cette perte d'argent !), tout ça aurait pu être évité si le bon professionnel avait été contacté dans les temps, s'il n'y avait pas une méconnaissance profonde du métier et des préjugés fondés sur l'ignorance.
Merci à vous d'avoir partagé votre opinion sur ce sujet à l'époque et au jour d'aujourdhui. Merci pour votre sincérité.
Victoria Chasle Castillo
Comportementaliste
www.1001comportements.com
* coprophagie : fait de se nourrir d’excréments.