[voir aussi "il a goûté au sang !"]
Publié dans le magazine Minizoo
Bien que, naturellement, ces animaux ne soient pas faits pour vivre ensemble, on a néanmoins pu observer que des liens pouvaient parfois se tisser entre chiens, chats et lapins. Ces liens varient en fonction de leur âge ou de leur tempérament mais surtout de la façon dont on s’y prend.
Qui n’a pas déjà rêvé de pouvoir contempler son lapin blotti contre son chien ou entretenant des relations complices avec son chat ? Faire cohabiter sereinement ses animaux n'est pas forcément chose facile et cela peut même s’avérer être impossible. Les choses peuvent être simplifiées s’ils sont adoptés jeunes et ensemble ou si nous nous assurons qu’une familiarisation avec l’espèce concernée a été faite. En effet, les animaux mis au contact d’autres espèces au cours de leur première semaine présentent moins de signes de crainte envers elles que ceux qui ne le sont pas. Leurs premières expériences détermineront leurs préférences et leurs rejets pour les années à venir.
Notre compagnon à quatre pattes vient d’arriver
Le nouvel animal (qu’il soit chien, chat ou lapin) doit pouvoir disposer d’une pièce où il sera tranquille. Son arrivée est stressante (transport, nouvelles odeurs, nouvelles personnes…), il a besoin de calme pour s’acclimater à son nouvel environnement.
48h après son arrivée, on lui donnera la possibilité de sentir les différentes odeurs des individus du foyer en le laissant investir peu à peu les pièces de la maison durant l’absence des autres animaux. Cette technique leur permettra de se sentir mutuellement sans se rencontrer physiquement, ce qui peut déjà donner une idée de leurs intentions. Si tout se passe bien, on peut passer à la mise en présence.
Le premier contact
On l’organisera à des horaires précis. Le lapin doit être dans sa cage et on fait entrer l’animal calmement et sur ses quatre pattes (pas dans nos bras). Il doit avoir la possibilité de fuir s’il en ressent le besoin tout comme le lapin doit avoir la possibilité de se cacher. Une fuite impossible est source de stress, peut être traumatisante et conduire à une mésentente définitive voire à de graves blessures. Si le chien est brutal ou si la situation devient ingérable, restons calme et invitons-le à nous suivre dans une autre pièce (aidons-nous éventuellement de quelque chose qu’il aime, friandises ou jouet). Il ne s’agira pas de le punir (pour quelle raison ?) mais de leur permettre de se remettre de leurs émotions (stress, tension, choc émotionnel…).
Les jours suivants, on observera attentivement leurs réactions et on notera l’évolution. S’il n’y en a pas ou, au contraire, si elle empire, c’est que la cohabitation ne peut se faire ou que notre propre comportement ne la favorise pas. Mais si les choses le permettent, une rencontre peut alors être envisagée.
© fleppi
La première rencontre
Elle devra se faire dans un lieu neutre susceptible de les intéresser par sa nouveauté, le lapin et le chat étant des animaux territoriaux. Une fois mis en contact, ne précipitons pas les choses, restons neutres et n’intervenons pas. Laissons-leur la possibilité de pouvoir se sentir et observons leur comportement (Indifférence ? Crainte ? Panique ? Brutalité ?). Seulement si la situation dégénère, interrompons calmement le conflit sans nous énerver. Banalisons la situation et restons calmes, les choses se passeront plus sereinement si nous sommes maîtres de nous-mêmes.
Evitons les «assis», «couché», «pas bouger» qui répriment le comportement du chien. Ce n’est pas parce qu’il s’assied à notre demande que la cohabitation se passera bien, d’autant que l’obliger à se contenir est indéniablement source de tensions. Laissons-le faire, il est le mieux placé pour savoir comment réagir selon sa sensibilité et son seuil de tolérance. S’il est brutal et qu’il y a risque, c’est que cette cohabitation lui est émotionnellement insupportable, inutile donc d’insister. En effet, que vaut-elle réellement si on le contraint à réprimer ses émotions ?
Laissons la possibilité au chat d’avoir un lieu en hauteur d’où il pourra contempler le lapin et se réfugier en cas d’attaque, et faisons de même pour le lapin (mais pas en hauteur !). S’il grogne, gronde ou siffle, c’est qu’il manifeste son agressivité ou sa crainte. Oreilles en arrière, queue redressée et posture tendue : la séquence grognement/attaque/morsure n’est pas loin !
Halte aux apparences trompeuses !
Attention au «mordillage gentil», course poursuite « amicale»,«bisous» et autres anthropomorphismes*.
Prises en gueule, poursuites et léchages ont des significations bien spécifiques
dans le langage animal.
La territorialité du chat et du lapin induit l’apparition de marquages (selles particulièrement odorantes, urines et marquages mentonnier pour le lapin ; mictions, défécations et griffades pour le chat). Contre toute attente, c’est le lapin qui a tendance à poursuivre le chat et il est très courant d’observer les chevauchements du lapin (mâle ou femelle) pour définir la hiérarchie sociale. Ce sont des comportements normaux qui ne doivent pas être réprimés.
L’état hormonal des lapins entiers mâles et femelles peut jouer un rôle prépondérant dans la cohabitation : les jeunes peuvent devenir agressifs au moment de leur maturité sexuelle, monter animaux ou objets, et envoyer des jets d’urine.
Cohabitation de rêve ou fatale incompatibilité ?
Si les rencontres durent depuis plus de 2 mois et qu’elles se passent mal, il faut alors se rendre à l’évidence : la cohabitation est impossible. Le replacement du dernier arrivé devra donc être envisagé pour le bien-être des deux. Une pièce d’isolement peut aussi être attribuée au lapin mais, même si l’autre est physiquement absent, il reste néanmoins olfactivement présent : ce peut être une source intense de stress et mener à des comportements inquiétants (alopécie, automutilations, excitation, apathie…).
Si, par contre, les choses se passent bien, profitons de ces moments agréables en gardant toujours à l’esprit qu’un accident peut survenir à tout instant, on n’est jamais à l’abri d’un dérapage. Vigilance et anticipation sont les fondements d’une cohabitation sécurisée.
« Attention aux chiens ! »
Si l’on s’en tient aux races, certaines d'entre elles sont considérées comme potentiellement dangereuses dans une cohabitation avec un NAC (car prédestinées à la chasse par des années de domestication) soit les Terriers, Teckels, Spitz et de type primitif, chiens courants et de recherche au sang, chiens d’arrêt, chiens leveurs de gibier, rapporteurs et chiens d’eau ainsi que les Lévriers et races apparentées,
soit 8 groupes de races sur 10…
Victoria Chasle Castillo
Comportementaliste
Formatrice de comportementalistes
* anthropomorphisme : tendance à attribuer aux objets, aux animaux et aux créations mystiques, des caractères propres à l’humain.
Jusqu’à preuve du contraire, chien, chat et lapin ne sont pas humains !
Considérer son animal comme tel crée confusion et tension au sein de la cohabitation. Bien qu’il ressente des émotions, il ne peut avoir accès aux sentiments qui sont propre à l’humain : croire qu’il se venge, qu’il sait qu’il a mal fait ou qu’il est jaloux, c’est lui prêter des intentions qui ne peuvent être les siennes.